Médiatisés depuis de nombreuses années, le vieillissement de la population (notamment lié au papy-boom) et l’allongement de l’espérance de vie, ont un impact important sur l’économie et sur le secteur des services à la personne.
La dépendance toucherait aujourd’hui en France 2% des personnes jusqu’à 79 ans, 17 % entre 80 et 89 ans et plus de 50% de la population pour les plus de 90 ans. Au 1er janvier 2024, les plus de 75 ans représentaient 10,4% de la population française ; ils devraient dépasser les 14% en 2040, nécessitant ainsi la création de plus de 250 000 emplois.
Cependant, les charges de personnel sont lourdes dans les budgets, la pénibilité ainsi que le manque de reconnaissance de ces services, génèrent des difficultés de recrutement. D’autant que le contexte inflationniste ne joue pas en faveur d’une amélioration des salaires et l’emploi intérimaire demeure trop onéreux.
Une réglementation de 2023 a imposé le financement de l’aide à domicile à hauteur de 23 euros de l’heure, ce montant n’est pas suffisant pour couvrir les charges, et est trop coûteux pour certains bénéficiaires qui n’ont pas les moyens, renonçant ainsi à ces services qui leurs seraient pourtant nécessaires.
Concernant les aidants familiaux, ils sont bien souvent encore actifs et ne sont donc pas disponibles en journée. De surcroît, leurs logements sont fréquemment inadaptés aux personnes en perte d’autonomie.
En 2024, une enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF) et de la Conférence nationale des directeurs d’établissements pour personnes âgées, a alerté sur question de l’accélération des déficits des structures à but non-lucratif dédiées aux personnes dépendantes. En 2023, 85% des EHPAD publics auraient ainsi enregistré des pertes, soit près du double par rapport à 2019.
D’importantes difficultés sont également constatées dans les groupes privés, à l’image d’Emeis (Ex-Orpéa). Il s’agit du groupe à l’origine du scandale qui a secoué le secteur en 2022, suite à la mise en lumière du manque chronique de personnel, et par conséquent de soins dans ses établissements (plus de 300). La restructuration du groupe repose notamment sur la vente d’actifs. Toutefois, en raison de la crise immobilière, le calendrier s’est allongé.
De plus, la contrainte visant à améliorer la qualité de ses services, précisément par une augmentation des effectifs, a entraîné une stagnation de son résultat brut d’exploitation au premier semestre 2024 malgré la hausse du chiffre d’affaires.
Il en va de même pour Clariane (ex Korian), numéro un en France pour les EHPAD (environ 600 établissements), qui fait lui aussi face à des problèmes de financement. Le groupe a lancé fin 2023 un plan de désendettement via des ventes d’actifs, et a annoncé en mai 2024 la cession de son activité française d’hospitalisation et de soins infirmiers à domicile à la Fondation Santé Service pour 130 millions d’euros (chiffre d’affaires 2023 de 46,5 millions euros ; 8 établissements et plus de 300 salariés). Enfin, le groupe privé d’EHPAD Médicharme, placé en liquidation judicaire en février 2024, n’a trouvé repreneur que pour 42 de ses 43 établissements.
Coté législatif, la loi « grand âge », annoncée lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, a été mainte fois reportée. Un pan de cette loi a été néanmoins validé fin mars 2024 sous le nom « bien vieillir » ; des mesures devraient être mises en place en 2025 afin de regrouper les démarches donnant accès aux différents soins pour les personnes en perte d’autonomie.
Côté budget, en avril 2024, une enveloppe supplémentaire de 650 millions d’euros a été accordée par le gouvernement, +5% pour les EHPAD publics et +3 % pour le secteur privé. Ces fonds doivent notamment permettre de financer de nouveaux postes de soignant, laissant une part faible pour la couverture des déficits ou la réalisation d’investissements.
L’incertitude politique actuelle, le surendettement de l’état et la hausse généralisée des charges qui pèsent sur les collectivités, ne permettront probablement pas d’assainir la situation de ces institutions à court terme. Dans ce contexte très contraignant, il devient alors probablement nécessaire d’accélérer le développement de solutions plus solidaires, telles que l’accueil familial ou encore les colocations entre seniors.