Un nouveau recul des défaillances d’entreprises en 2021

A fin décembre 2021, avec un peu plus de 27 600 procédures collectives ouvertes (redressements judiciaires, liquidations judiciaires, procédures de sauvegarde), la sinistralité des entreprises métropolitaines apparaît au plus bas depuis 2014. Après une chute record en 2020 (-38 % pour les redressements et liquidations judiciaires, -15,7 % pour les sauvegardes), l’exercice 2021 accentue la tendance, avec une nouvelle baisse du nombre de procédures collectives, entre 12,5 et 14,5 % sur un an.

Dans le contexte particulièrement difficile et chaotique de la pandémie, les garde-fous financiers mis en place par l’Etat ont donc continué de porter leurs fruits. Par ailleurs, le débranchement progressif des aides et soutiens, annoncé au 3ème trimestre 2021, reste largement en trompe-l’œil car la remontée des contaminations a poussé au maintien, très ciblé, de nombreuses mesures (activité partielle, PGE, apurement des cotisations sociales, fonds de solidarité…).

La crainte d’un pic de défaillances, face au mur de la dette des entreprises, s’éloigne temporairement, d’autant que les délais de remboursement des PGE et des cotisations sociales ont été décalé pour nombre de petites entreprises, entre 10 et 5 ans. L’approche des élections présidentielles ne semble d’ailleurs pas étrangère à ces nouveaux assouplissements.

Pour les défaillances d’entreprises (redressements judiciaires et liquidations judiciaires directes), sans surprise, ce sont les TPE qui ont le plus souffert en 2021 Celles-ci représentent en effet près de 91 % des redressements et liquidations. Les PME représentent de leur côté 9 % des défaillances. A noter que les derniers entrants – entreprises de moins de 3 ans – enregistrent une sinistralité en augmentation de 34 %.

"Les impacts de la pandémie ont déréglé durablement l’économie internationale et particulièrement le transport maritime : explosion des coûts des containers, retards de livraisons, chaînes logistiques et de productions perturbées voire stoppées. 90% des biens que nous consommons transitant par les voies maritimes, les tensions actuelles et notre trop forte dépendance à l’Asie sont encore plus palpables…"

— Max Jammot, Responsable du Pôle Économique chez Ellisphere

Max Jammot

Remontée des procédures et des liquidations au dernier trimestre 2021

Dans le détail des jugements traités par les greffes en 2021, le nombre d’opérations a de nouveau progressé sur le dernier trimestre. Ainsi, le nombre de prononcés de liquidation judiciaire est en progression, et se retrouve au niveau constaté début 2021. Plus précisément, le nombre de conversions de redressement en liquidation est le plus élevé de l’année.

De leurs côtés, le nombre d’ouvertures de redressement judiciaire et de sauvegarde remonte également. Par ailleurs, la durée de traitement des procédures tend à se réduire ; le nombre de renouvellements de période d’observation est l’un des plus faibles de l’exercice. Pour l’anecdote, suite à sa mise en place par décret le 18 octobre 2021, la nouvelle procédure de traitement de sortie de crise a fait ses premiers émules, avec 15 opérations sur le dernier trimestre. Rappelons que cette procédure vise les petites entreprises en cessation des paiements, mais qui fonctionnaient dans des conditions satisfaisantes avant la crise sanitaire. Cette procédure permet ainsi de présenter un projet de plan de continuation de l’activité et est applicable jusqu’au 2 juin 2023.

En corollaire, sur le dernier trimestre, les issues favorables aux procédures demeurent toujours très limitées. Les plans de redressement sont les moins importants en nombre de l’année à l’inverse des plans de sauvegarde. Parmi les autres jugements, nous relevons un nombre encore significatif d’homologations de conciliation, marquant des négociations directes et ciblées entre créanciers et débiteurs, ainsi que d’un niveau relativement stable des plans de cession partielle ou totale.

 

Statu quo en régions et remontées sectorielles

Toutes les régions enregistrent une baisse du nombre de défaillances d’entreprise. Cependant, la résilience apparaît bien moindre en Centre-Val de Loire où la baisse n’est que de 1,1 % par rapport à 2020. Ile-de-France et PACA enregistrent également des résultats inférieurs à la moyenne nationale ; un effet probable de leur forte dépendance au tourisme d’agrément et d’affaires. L’Ile-de-France représente d’ailleurs à elle seule un quart des défaillances d’entreprise en France, suivie de la PACA et de l’Auvergne-Rhône-Alpes avec environ 12 % chacune.

Par secteur d’activité, la situation est nettement plus contrastée. Si en 2020, tous les secteurs relevaient une forte baisse du nombre de leurs défaillances, beaucoup d’entre eux ont atteint un plancher bas et connaissent ainsi en 2021 une reprise de leur sinistralité.

Le secteur Agriculture et Pêche, marqué par les événements climatiques et économiques, enregistre une progression de 9,5 %.

Les Moyens de transport (construction et négoce) sont également marqués (+ 7 % de défaillances), dans un contexte difficile pour l’aviation civile toujours largement clouée au sol, et pour l’automobile empêtrée dans la fin du diesel. D’autres secteurs d’activité sont également bousculés par la montée du prix des matières premières, et par la désorganisation persistance des transports internationaux. Citons les Métaux (+ 4,5 % de défaillances), les Biens d’équipements industriels (+ 3 %), le Bois papier carton & imprimerie (+ 1,4 %).

Concernant le nombre de mesures préventives des sauvegardes, comme en 2020, la baisse reste moindre (-15 %). Les procédures émanent encore essentiellement de TPE (70 %). En 2021, les demandes ont particulièrement progressé dans les Hauts-de-France (+ 11,6 %), et sont restées stables dans le Grand Est, en Normandie et en Bourgogne-Franche-Comté. Par secteur, le recours à la sauvegarde a nettement augmenté dans le secteur des métaux (+ 140 % de procédures), l’Informatique & Electronique (+ 64,3 %), l’Agroalimentaire (+ 50 %), les Moyens de transports (+ 26 %).

Qu’attendre de 2022 ?

Après une exceptionnelle croissance du PIB de 7% en 2021, le gouvernement prévoit encore un gain de 4 % du PIB en 2022 ; une perspective positive pour les entreprises qui auront su gérer leur trésorerie avec ou sans apports financiers externes (type Prêt Garanti par l’Etat – PGE).

Près de 697 000 entreprises ont ainsi contracté un PGE, dont de très nombreuses TPE, pour un montant total de 143 milliards d’euros. L’échéance des premiers remboursements de ces PGE en mars 2022 devrait avoir des incidences sur la trésorerie des entreprises l’ayant totalement ou partiellement utilisés, avec consécutivement un risque de défaillance accru sur ces dernières.

Certaines entreprises pourraient ainsi bénéficier d’un nouveau report à fin 2022, et ce sur 10 ans. Elles seraient entre 25 000 et 30 000, essentiellement des commerçants, des artisans et des restaurateurs toujours impactés par les mesures covid.

En cette année électorale, les difficultés d’approvisionnement, de recrutement, ainsi que l’évolution des prix et du pouvoir d’achat, seront au centre de toutes les préoccupations, sur fond d’une éclaircie probable de la pandémie espérée en mars…

Qu’en conclure ?

En 2022, la bonne santé financière des entreprises passera par leur capacité à générer davantage de richesses. Cette génération de richesses nécessite des investissements qui doivent être financés et rentables. Investir c’est surtout renoncer à la liquidité immédiate dans l’espoir d’une liquidité future.

Le moral des chefs d’entreprises est donc scruté à la loupe. Motif d’espoir, les derniers baromètres d’opinion sur l’état d’esprit de nos dirigeants de PME / TPE sont plutôt positifs. Ils sont bien plus nombreux à envisager une augmentation de leurs dépenses d’investissement qu’un recul. La modernisation des équipements constitue la destination principale de leur projet d’investissement.

"Dans les bilans 2022, le comparatif entre les montants investis et ceux des dotations aux amortissements sera le juge de paix, et confirmera ou non, les bonnes dispositions des dirigeants à mener une politique d’investissements garantissant à moyen terme la pérennité de leur entreprise."

— Alain Luminel, Responsable du Pôle Analyse Financière chez Ellisphere

Alain Luminel
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