Procédures conservatoires : prévenir plutôt que guérir
On ne répétera jamais assez que la méthode la plus efficace est d’agir le plus rapidement possible. En effet, si l’entreprise débitrice est en grandes difficultés économiques, elle opérera des choix parmi ses créanciers et réglera en priorité ceux dont elle a réellement besoin pour la poursuite de son activité. Elle privilégiera ceux qui ont la réputation de poursuivre rapidement en justice (cas des créanciers privilégiés notamment) ou ceux qui font preuve d’une grande réactivité.
Parfois, les procédures de recouvrement classiques (injonction de payer, assignation en paiement) ne sont plus suffisantes face à un péril imminent (escroquerie ou état de cessation des paiements pouvant mener à une procédure collective par exemple).
Dès lors, sortir des procédures contentieuses classiques et recourir à des mesures conservatoires peuvent être des armes redoutablement efficaces pour mettre à l’abri sa créance ou l’objet de sa créance. Mais qu’est-ce qu’une mesure conservatoire ? Comment la mettre en place ? Quels atouts et dans quels cas de figure peut-elle être diligentée ?
Procédures conservatoires, de quoi parle-t-on ?
Quel déroulé ?
Une mesure conservatoire s’obtient sur requête devant un juge de l’exécution ou devant le Président du tribunal de commerce, lequel rend une ordonnance. Cette ordonnance n’a pas autorité de jugement (elle n’est pas définitive) et devra donc être validée par un titre exécutoire.
Cependant, elle permettra, et c’est bien là l’essentiel, de mettre à l’abri une créance ou l’objet d’une créance (un matériel, un stock) en rendant les biens (ou les créances) indisponibles. En d’autres termes, elle évitera que le débiteur ne les vende ou ne les fasse disparaître.
S’agissant d’une ordonnance, il n’y a pas de débat contradictoire, pas plus que de commandement préalable de sorte que l’effet de surprise joue à plein pour contrer la mauvaise foi d’un débiteur qui souhaiterait organiser son insolvabilité. Le juge de l’exécution s’attachera au péril en la demeure selon le terme consacré ; il faudra donc justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement.
Une mesure qui revêt de nombreux avantages
À ce stade, la créance peut apparaître comme simplement fondée. Le juge de l’exécution n’a pas à vérifier si celle-ci est certaine, liquide et exigible puisqu’une seconde procédure sera diligentée dans le mois pour valider le caractère provisoire de cette ordonnance. Cela apporte un réel intérêt à cette procédure, mais ce n’est pas le seul.
En effet, il n’y a aucune obligation à ce que la créance ait un quelconque lien avec la mesure de sûreté envisagée, c’est-à-dire avec le bien à saisir. Vous pourrez donc tout à fait bloquer un stock de marchandises en garantie d’une créance purement financière.
Dans le cadre des opérations de recouvrement les plus courantes, on retiendra essentiellement deux types de saisie conservatoire. Bien évidemment, ces procédures ne sont pas exhaustives, et visent à se recentrer sur des opérations facilement réalisables et les plus fréquemment usitées.
La procédure de saisie-attribution
Rappelons tout d’abord que si vous êtes créancier, votre débiteur l’est forcément également envers l’un de ses partenaires ou l’un de ses clients. Cette notion tient son importance dans le fait que des fonds qui seraient dus à votre débiteur sont susceptibles d’être bloqués.
Je cite volontiers à titre d’exemple et pour l’avoir maintes fois diligentée, la procédure de saisie-attribution à titre conservatoire envers la pharmacie qui n’aurait pas réglé l’un de ses fournisseurs. Le pharmacien, en cas de menaces de recouvrement, aura tout le loisir de saisir entre les mains de la CPAM les fonds destinés à être reversés à cette pharmacie débitrice.
De façon schématique, l’organisme CPAM devra alors bloquer ses reversements et du côté du créancier, il conviendra de valider cette ordonnance conservatoire par un titre exécutoire afin de convertir ensuite cette saisie conservatoire en saisie attribution.
La procédure de saisie conservatoire aux fins d’appréhension
L’autre mesure utile et couramment utilisée est la saisie conservatoire aux fins d’appréhension d’un matériel ou d’un stock de marchandises. Dans cette procédure, vous n’allez pas bloquer des fonds, mais mettre en sûreté des biens meubles afin de contraindre le débiteur au paiement.
Il m’est arrivé par exemple de bloquer un stock de marchandises sur un port et d’appeler en renfort une société de gardiennage afin que ce stock soit surveillé jour et nuit en attendant l’issue de la procédure sur le fond lancée en parallèle.
Attention, saisir un stock ou des fonds ne signifie pas que vous en devenez immédiatement propriétaire. La saisie conservatoire est temporaire, et empêche simplement votre débiteur de les céder ou de les faire disparaître le temps pour vous, d’obtenir un titre définitif.
Qu’en conclure ?
Reine des procédures en cas de menaces pesant sur le recouvrement de vos créances, une ordonnance conservatoire peut donc être obtenue très rapidement (parfois en quelques heures), n’impose pas de débats contradictoires à ce stade, et permet de jouer l’effet surprise pour empêcher votre débiteur de mettre à l’abri certains biens ou certains fonds. Qui a dit que le recouvrement était compliqué ?