À l’origine
Les cours du pétrole sont repartis à la hausse, sur fond de nouvelles mesures restrictives de l’Arabie Saoudite et de la Russie.
Ainsi, la première devrait poursuivre la réduction de sa production de pétrole d’un million de barils par jour, d’octobre à décembre. La seconde maintient une baisse de ses exportations de 300 000 barils par jour jusqu’à fin décembre 2023.
D’où depuis ces annonces, une dérive haussière des cours…
Les répercussions à la pompe
Pour rappel, trois catégories d’acteurs sont présentes sur l’Hexagone dans la distribution des carburants : les pétroliers, acteurs historiques tels Total, les chaînes de distributeurs indépendants telles que Picoty (Avia) et enfin les majors de la grande distribution comme E. Leclerc ou encore Carrefour.
Jusqu’à très récemment, le gouvernement persistait dans son projet d’autoriser la vente de carburant à perte ; il s’était d’ailleurs heurté au refus des grandes enseignes qui rappelaient en outre que la pratique est interdite depuis 1963.
Guerre des chiffres plus particulièrement sur les marges : si la Grande Distribution affirme que le carburant est avant tout un produit d’appel sur lequel on ne dégage pas de marges, si ce n’est quelques centimes d’euros, des associations telles que l’Association nationale de consommateurs et d’usagers évoquent plutôt, pour exemple, une marge brute de plus de 25 centimes par litre de SP 95…
Après une réunion avec les principaux distributeurs de carburant à Matignon, nouvelle annonce du Gouvernement en date du 26 septembre dernier. Près de 120 000 opérations de vente de carburant à prix coûtant dans environ 4 000 stations devraient avoir lieu jusqu’à la fin de l’année.
Les enseignes Carrefour et Leclerc se sont d’ores et déjà positionnées favorablement en s’engageant à réaliser de telles opérations tous les jours. Casino, Cora et Intermarché devraient, pour leur part, en proposer deux week-ends par mois et Système U et Auchan, au moins, un week-end par mois. Le niveau exact des réductions à la pompe n’a pas été précisé et devrait être laissé à l’appréciation de chaque distributeur.
Par contre, la situation des 5 800 stations indépendantes sur l’Hexagone est plus préoccupante ; la plupart enregistrent 20% de perte de clientèle car elles sont contraintes d’afficher, de par leur surface financière réduite, un tarif 10% plus élevé que la Grande Distribution. Rappelons que leur nombre est ainsi passé de 40 000 dans les années 80 à 5 800 en 2022. Sur cette même période, les stations-service des grandes et moyennes surfaces ont bondi de 2000 à 5000 !
Les impacts sévères sur certaines professions
De nombreuses entreprises sont impactées par la hausse des prix du carburant… En premier lieu, les prestataires de transport qui subissent directement l’augmentation et doivent l’inclure dans leurs charges. Mais également les entreprises qui expédient des marchandises, que ces entreprises disposent d’ailleurs de leurs propres moyens de transport ou qu’elles dépendent d’un prestataire logistique.
Pour la plupart de ces acteurs, le carburant est ainsi devenu la plus grande dépense après les salaires des chauffeurs, représentant environ 15 à 25 % du coût total des opérations.
À noter que le secteur du transport routier est aussi mis à mal par d’autres difficultés, comme les siphonages réguliers des réservoirs subis par les chauffeurs de poids-lourds sur les aires de repos.
Les professionnels de la pêche sont également impactés de plein fouet par cette explosion des prix. La nouvelle hausse du prix du gasoil de cet été, couplée au plafonnement des soutiens (destinés à alléger les surcoûts provoqués par le conflit russo-ukrainien), et la stagnation du marché du poisson depuis le début de l’année, menacent, à très court terme, 60 % des apports de la pêche française.
Côté aviation civile, l’impact est immédiat pour le consommateur. En effet, le carburant représentant 20 à 40 % du prix du billet selon la durée de vol et le modèle de l’appareil. Air France intègre déjà dans sa grille tarifaire une « contribution carburant durable d’aviation » de 1 à 12 euros par siège.
Les compagnies maritimes tentent, quant à elles, d’ajuster au mieux leurs surcharges. Le prix du baril étant en forte augmentation, les différents carburants utilisés par les professionnels, à savoir VLSFO (fuel à faible teneur en soufre), MGO (Marine Gas Oil) et l’IFO (Intermediate Fuel Oil), se positionnent actuellement à un niveau très élevé.
Les prochains mois…
Cette tendance à la hausse des prix devrait perdurer sachant que cette flambée est avant tout le résultat de la stratégie adoptée par les pays membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) qui ont pris la décision en juin de réduire l’extraction de pétrole, dans le but, de maintenir des prix élevés du baril.
Cette situation est d’autant plus préoccupante en France où les taxes représentent près de 60 % du prix total d’un litre de carburant (proportion nettement supérieure à la moyenne mondiale).
Reste à voir ce que décideront la Russie et l’Arabie Saoudite en 2024… Le position actuelle de Moscou permet surtout de réduire l’offre de pétrole sur les marchés afin de stimuler les prix, un moyen pour la Russie de tenter d’augmenter ses recettes issues de la vente des hydrocarbures, au moment où le rouble s’est largement affaibli face au dollar et à l’euro.
Quant à l’OPEP, ses membres ont préconisé de poursuivre la réduction de la production jusqu’à…fin 2024. Ces tensions géopolitiques semblent donc encore loin de s’estomper, tout comme l’envolée du prix des carburants.