Délais de paiement, une problématique toujours bien présente qui touche le crédit fournisseur
Depuis 2009, la fameuse loi LME (loi de modernisation de l’économie) plafonne strictement les délais de paiement contractuels interentreprises. Ces délais ne doivent pas dépasser 60 jours à compter de la date de la facture, ou 45 jours fin de mois (article L. 441-10 du code de commerce). Pourtant, les retards de paiement restent nombreux. Ils sont préjudiciables à la rentabilité des entreprises et impactent négativement leur trésorerie, leur compétitivité. Dans le pire des cas, ils peuvent fragiliser l’existence des entreprises les plus vulnérables. Alors, prenez garde à votre crédit fournisseur, car en plus de fragiliser votre entreprise, il peut aussi être sanctionné.
Une réglementation punitive
L’article L. 441-16 du code de commerce prévoit la sanction du non-respect des règles légales relatives aux délais de paiement par une amende administrative d’un montant maximal de 75 000 euros pour une personne physique et 2 millions d’euros pour une personne morale.
Cette sanction est publiée. De plus, l’amende est doublée en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
Le « Name and Shame » en action
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en charge du contrôle du respect des règles du code de commerce relatives aux délais de paiement a prononcé en 2018, 377 amendes administratives sur 2 700 contrôles. 98 de ces décisions ont fait l’objet d’une publication sur le site de la DGCCRF.
Toutes les entreprises sont concernées, les amendes varient de 2 000 € pour une petite PME Bourguignonne à 3,7 millions d’euros pour un grand opérateur téléphonique français et certaines sont publiées sur https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/sanctions-delais-paiement.
Suivi des cash-flows, un indispensable de la bonne gestion du crédit fournisseur
Pourtant le suivi des cash-flows dont les règlements fournisseurs font partie est indispensable à une bonne gestion des risques.
Pour rappel, la capacité à faire du cash opérationnel résulte de la formule simple suivante :
CAF + variation du BFR — investissement.
Quelques indicateurs à suivre
Pour un bon suivi de ces risques financiers, je pense qu’une entreprise doit suivre et piloter 4 ou 5 indicateurs indispensables :
L’EBITDA ou earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization (EBITDA) ou le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (BAIIDA en français). C’est-à-dire la capacité à faire de la marge opérationnelle et monétaire sans la prendre en compte les intérêts financiers ni l’impôt sur les sociétés. Ce KPI majeur peut-être décliné par métier, établissement, région, typologie client, etc.
La CAF ou capacité d’autofinancement, qui résulte du calcul : résultat net – les produits non encaissables (reprise sur amortissement et provision) + les charges non décaissables ce qui nous donne les ressources internes générées par l’entreprise qui permettent d’assurer son financement.
La CAF et l’EBITDA sont deux KPI sur lesquelles l’entreprise peut et doit agir. Évolution du chiffre d’affaires & maitrise des charges = Rentabilité.
Le besoin en fonds de roulement BFR (working capital requirement WCR en anglais) est la mesure des ressources financières qu’une entreprise doit mettre en œuvre pour couvrir le besoin financier résultant des décalages des flux de trésorerie liés à son activité.
Les deux composants principaux de suivi du BFR sont le DSO et le DPO.
Le délai de règlement client « DRC » ou « DSO » (days sales outstanding) analyse le comportement de paiement de ses clients. On parle de délai de règlement contractuel (écart entre date de facture et date d’échéance) puis de règlement après échéances.
La gestion du DSO comporte trois volets. La capacité du client à honorer ces dettes, le crédit client accorder à son client en nombre de jours et sa propre capacité à relancer les factures échues et éviter les litiges.
Le délai de règlement fournisseur « DRF » ou « DPO » (Days Payable Outstanding) analyse son comportement de paiement vis-à-vis de ses fournisseurs. C’est à partir de là que l’état a été obligé de légiférer et de sanctionner, pour punir les mauvais payeurs et sûrement réglementer le rapport de force entre les « petits » et « les gros ».
Qu’en déduire ?
Mais est-ce une bonne gestion que de gérer sa trésorerie en payant tardivement ses fournisseurs plutôt que de les régler à la date convenue au contrat ?
À ce sujet et aux vues des taux d’intérêts bancaires très faibles, ne doit-on pas repenser notre façon de négocier les échéanciers ? Comme caler ses échéanciers sur sa propre capacité financière et celle de ses partenaires et non plus sur un rapport de force ? Payer tardivement un fournisseur qui aura recours au factoring augmentera le coût de revient du produit et donc le prix !
En conclusion
Bien gérer son cash ce n’est pas si difficile, il faut juste :
Être capable de dégager de la marge. Faire payer ses clients dans les temps. Bien gérer sa politique crédit. Ne pas avoir d’impayés. Payer ses dettes dans les temps en évitant les amendes et pénalités. Investir à bon escient. Motiver les équipes qui œuvrent sans cesse et sans toujours le savoir à sa réalisation.
À l’avenir, je pense que nous devrons mettre une couche supplémentaire, pour parler et analyser le cash de façon plus éthique. C’est un bon moyen de donner du sens pour l’entreprise et ses collaborateurs et de faire grandir ses clients, conforter ses fournisseurs et valoriser toutes les parties prenantes de l’entreprise tout en étant solidaire de notre bonne vieille planète.