Les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs (industrie agroalimentaire et producteurs) ont toujours été source de vives tensions et régulièrement placées au cœur du débat public.
Déjà, en France, durant l’été 1999, le gouvernement de l’époque avait rencontré des problèmes importants pour tenter d’endiguer la crise entre les producteurs de fruits et légumes et la grande distribution. En ce sens, il avait ainsi imposé, sur une courte période, le double affichage des prix (de certains fruits et légumes dans les grandes surfaces), obligeant ainsi les distributeurs à rendre publics les prix d’achat aux producteurs ainsi que les prix de vente.
En 2014, la loi Hamon fût décrétée. L’objectif affiché des Pouvoirs Publics était alors de renforcer les pouvoirs de l’administration mais également de tenter, une nouvelle fois, de compenser le déséquilibre omniprésent au sein des négociations commerciales. Si l’on peut raisonnablement penser que le premier objectif a été atteint, on peut légitimement être plus dubitatif quant à l’atteinte du second !
En 2018, la loi Egalim (qui s’appelle réellement “loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous”) a poursuivi la démarche, avec entre autres objectifs de rémunérer plus justement les producteurs, et ce afin de leur permettre de vivre dignement de leur travail ; tout en garantissant la qualité sanitaire, environnementale et nutritionnelle des produits alimentaires.
Le Sénat avait alors vite cerné les limites de l’exercice… A savoir par exemple, le seuil de revente à perte (SRP) ne prend en compte qu’une partie des marges des distributeurs ; la marge avant qui représente la différence entre le prix net sur la facture et le prix de vente au consommateur n’est pas intégrée dans son calcul.
Adoptée en urgence fin 2021, la nouvelle loi Egalim 2 était également sensée protéger les revenus des producteurs notamment lors des négociations annuelles entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. Or, dans le contexte de flambée des prix que nous connaissons, les grandes surfaces affirment respecter les termes de la loi Egalim 2, tout en revendiquant, principalement dans les médias, l’argument visant la défense du consommateur final.
Et comme chaque année, les négociations font l’objet de tensions, avec souvent la crainte justifiée pour le consommateur d’une hausse des prix… Les deux parties se renvoient inexorablement la responsabilité des blocages, ainsi que des hausses tarifaires.
Réalisées chaque année entre décembre et mars, ces négociations ont des effets très concrets sur le panier de courses des Français puisqu’elles fixent le prix d’une majorité des produits vendus dans les grandes surfaces alimentaires.
Cette année, les échanges ont été particulièrement tendus. Parmi les motifs de désaccord : la hausse des coûts de production (matières premières, énergie) que la plupart des distributeurs rechignent à prendre en compte.
Les producteurs de légumes, de viandes ou d’œufs dénoncent ainsi le double-jeu des enseignes de supermarché qui, malgré les promesses, leur imposent des prix toujours plus bas, selon leurs dires.
La tension monte également entre, d’un côté, des éleveurs qui perdent de l’argent, et qui dénoncent régulièrement une déflation en cascade qui s’impose aux producteurs dans de trop nombreux secteurs, et de l’autre, des enseignes qui affirment baisser les prix dans le contexte de crise.
Passée quelque peu inaperçue du fait de l’actualité mouvementée de la réforme des retraites, une proposition de loi déposée le 29 novembre 2022 par le député Frédéric Descrozaille a été promulguée le 30 mars dernier. Cette loi tend, une fois encore, de rééquilibrer les négociations commerciales entre les fournisseurs de l’agroalimentaire et la grande distribution. Cette dernière a d’ailleurs fortement contesté ce texte, qui prolonge également deux mesures de loi Égalim au profit des agriculteurs : l’encadrement des promotions et le seuil de revente à perte à 10% des produits alimentaires. En outre, il est spécifié qu’un fournisseur pourra stopper les livraisons à toute enseigne de distribution, en cas d’échec des négociations sur les prix. Ce qui n’était pas le cas auparavant.
Dans ce contexte de guerre des prix et des communiqués, comment ne pas également évoquer les deux projets de Casino et d’Intermarché…
Casino a ainsi annoncé en février dernier des négociations avec la société Teract, détentrice d’enseignes de jardinerie, de boulangerie et filiale d’InVivo, au sujet d’un potentiel rapprochement. L’objectif serait de créer deux sociétés distinctes, la première sur la distribution, la seconde dédiée à l’approvisionnement, et ce afin de constituer un “leader français de la distribution responsable et durable”.
Troisième acteur de la distribution en France, le groupement de magasins indépendants Les Mousquetaires (Intermarché), a annoncé participer également à ces discussions.
Au bout du compte, les discussions actuelles avec Teract en vue d’un potentiel rapprochement favoriseraient les fruits et légumes en circuit court. Ces échanges, s’ils aboutissent, éviteraient ainsi à Casino ou Intermarché moultes négociations délicates comme celles que nous connaissons depuis des années.
A ce jour l’inflation perdure, le Gouvernement entend donc poursuivre sa pression sur les distributeurs mais également sur les industriels. Nouveau round demain à Bercy avec les grandes enseignes de distribution.
Proposition de loi contre l'inflation➡️ "Il y aura moins de promotion agressive", mais "elles seront mieux réparties", défend Frédéric Descrozaille, député (Renaissance) du Val-de-Marne.
— franceinfo (@franceinfo) February 26, 2023
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