Entre son apparition dans les entreprises, au cours des années 1970[1] et aujourd’hui, le métier de credit manager est passé de la fonction de recouvrer les créances, essentiellement technique et rattachée aux directions comptables, à des missions élargies telles que l’optimisation du BFR, la cartographie et gestion des risques…, en lien direct avec les directions financières. Cette évolution s’explique notamment par les multiples ruptures qui ont jalonné notre société ces dernières décennies, apportant de nouveaux enjeux aux credit managers.

Quelles sont ces ruptures ? Quelles conséquences pour le métier de credit manager ? Quels en sont les nouveaux enjeux ? Eclairage sur un véritable changement de paradigme, allant vers une nécessaire évolution du métier de credit manager.

La civilisation du risque : une situation durable

Pour décrire l’environnement actuel des entreprises, les experts en résument les caractéristiques par le signe VUCA. Nous évoluons dans un monde de Volatilité (avec des situations instables, de durées inconnues, comme on l’a vu avec la crise sanitaire), d’Incertitude (Uncertainty en anglais), de Complexité (trop de parties prenantes, trop de processus, trop d’interdépendances) et d’Ambiguïté (les relations causales entre deux phénomènes ne peuvent se prédire a priori)[2].

Ce contexte est, en partie, le résultat de plusieurs ruptures, dont les effets se sont d’ailleurs accentués ces dernières années :

  • Rupture informationnelle

Elle se traduit par une surcharge d’informations à gérer, et par l’importance croissante des données non structurées. Les analystes estiment que la taille globale de la « Data Sphere » mondiale (il s’agit de toutes les données qui sont créées, collectées ou dupliquées à travers le monde) représentait 33 zettabytes en 2018, contre moins de 10 en 2012. Cela pose un problème concret pour tous les managers, y compris les credit managers : savoir discerner les données de qualité et utiles des autres, les plus nombreuses, pour prendre les bonnes décisions.

  • La conséquence pour les credit managers : faire face au foisonnement des données

Comme tous les managers, les credit managers doivent gérer un déluge de données. Cela crée deux difficultés majeures : d’une part, pouvoir identifier les sources fiables et pertinentes et, d’autre part, s’assurer de la qualité des données.

La facilité de création et de diffusion des données incite à tout publier, y compris des informations sans valeur ou, pire, fausses. D’où l’intérêt de recourir à un tiers de confiance, comme Ellisphere, qui valide cette qualité et le sérieux des sources d’information, et aussi de s’équiper de solutions d’automatisation (logiciels de recouvrement de créances clients, par exemple).

  • Rupture réglementaire

Les évolutions réglementaires françaises et européennes sont de plus en plus structurantes pour les entreprises, dans la mesure où elles imposent des transformations profondes des processus de gestion (par exemple avec la facturation électronique), ou de reporting, en particulier extra-financier, par exemple du fait de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Dans le domaine des délais de paiement, la Commission européenne travaille pour proposer de nouvelles règles, qui complèteront les dispositions de la directive existante, adoptée en 2011[3]. L’objectif est d’introduire des mesures plus strictes afin d’éviter les pratiques de retard de paiement, sous la forme de délais de paiement maximaux. La proposition rend automatique le paiement des intérêts accumulés et des indemnités, et prévoit de nouvelles mesures d’exécution et de recours pour protéger les créanciers contre les mauvais payeurs.

  • La conséquence pour les credit managers : s’adapter en permanence aux évolutions règlementaires

Même si le foisonnement de textes règlementaires est moins prononcé dans le domaine de la régulation des paiements (mais cela peut évoluer dans les prochaines années), les credit managers ont besoin de renforcer leurs compétences en veille législative et technique, y compris dans des domaines connexes (conjoncture, nouvelles technologies, annonces financières, nominations de dirigeants…), car cela influe directement sur la politique de crédit client.

  • Rupture technologique

L’innovation et les évolutions technologiques, toujours plus puissantes et rapides, telles que l’Intelligence Artificielle ou le Big Data, viennent également bouleverser la gestion du poste client.

  • La conséquence pour les credit managers : capitaliser sur les opportunités technologiques

Les nouvelles technologies se mettent ainsi aujourd’hui au service des credit managers, maximisant leur valeur ajoutée. A l’image de l’Intelligence Artificielle, qui bouscule le marché, notamment à travers l’analyse des comportements de paiement par auto-apprentissage, la génération d’alertes, l’analyse de solvabilité ou la génération d’indicateurs clés.

En s’appuyant sur ces innovations en mesure de traiter une quantité plus importante de données, le credit manager propose des indicateurs plus pertinents et fournit des analyses plus fines et performantes.

  • Rupture organisationnelle

Par rapport à l’ère industrielle, les entreprises de l’ère numérique se différencient par plusieurs caractéristiques : on passe ainsi d’environnements stables et prévisibles à des environnements incertains. La digitalisation des processus métiers se généralise. Les modes de prises de décision (relativement plus transparents, plus agiles, plus axés sur les données…) et de pilotage des organisations se trouvent eux aussi bouleversés, par exemple avec l’entreprise « Data Driven » (orientée données).

  • La conséquence pour les credit managers : un rôle transversal pour les credit managers

A l’image d’autres métiers stratégiques, tels que les DRH, les DSI, les DAF, les credit managers acquièrent de plus en plus un rôle transversal dans les organisations. Il est, comme le souligne l’AFDCC, « créateur de liens »[4], entre les entités commerciales, les directions financière et juridique. Le credit manager est également le garant du partage de la culture du risque client dans l’organisation, tâche ô combien difficile.

  • Rupture conjoncturelle

Les entreprises évoluent dans un environnement économique, social, géopolitique et environnemental de plus en plus instable. La conséquence concrète est une difficulté supplémentaire pour anticiper les comportements de paiement des clients et les risques de défaillance, les fluctuations conjoncturelles fragilisant les trésoreries. Les credit managers sont d’ailleurs pessimistes : l’enquête 2022 de l’AFDCC (Association Française des Credit Managers & Conseils) révèle que, « dans le contexte actuel, et avec ce que l’on constate sur les tensions sur le DSO et les retards, 70 % des credit managers se déclarent pessimistes sur l’évolution prochaine des délais de paiement, contre 30 % en 2021. »[5]

  • La conséquence pour les credit managers : une vigilance accrue autour des fluctuations conjoncturelles

Les incertitudes conjoncturelles et les crises de toute nature, que l’on ne peut guère anticiper, accroissent les défaillances d’entreprise, qui peuvent être brutales. Cela nécessite une vigilance accrue de la part des credit managers, qui doivent également intégrer les risques client à l’international.

Credit manager : de nouveaux paradigmes qui redéfinissent le métier

Ainsi, les multiples ruptures auxquelles les entreprises sont aujourd’hui confrontées, sont l’occasion pour les credit managers de transformer leur métier en profondeur et d’étendre leurs rôles dans les organisations, de façon durable.

L’AFDCC résume ainsi le métier : « Le credit manager a pour fonction de maîtriser l’encours client, c’est à dire le chiffre d’affaires de l’entreprise non réglé par ses clients et les commandes en cours. Il vise pour cela à identifier tout ce qui peut conduire à des retards ou à des contentieux, il met en place des processus de qualité tout au long de la relation client. Le credit manager de l’entreprise est à la fois le manager d’un processus qualité et le partenaire des commerciaux pour l’encaissement du chiffre d’affaires. »

Le credit manager voit alors ses missions « historiques » remodelées par quatre nouvelles exigences correspondant aux quatre ruptures actuelles :

  • Une approche multirisques s’impose : au-delà des risques de paiement, il faut intégrer « l’environnement des factures », c’est-à-dire prendre en compte les signaux faibles, les comportements des entreprises, les évolutions structurelles des entreprises, l’analyse extra-financière…
  • L’analyse des risques devient davantage personnalisée : il s’agit d’améliorer la prédictibilité sur-mesure, avec une personnalisation des outils, reposant sur l’usage des données des clients. Les credit managers ont besoin d’accéder le plus rapidement possible aux informations utiles à leur décision.
  • L’intégration des risques client est plus poussée avec les processus métiers (API management), afin d’alimenter d’autres processus (par exemple pour la conformité, la lutte contre la fraude, la RSE…) et un référentiel unique de clients (avec une approche de Master Data Management).
  • Les missions des credit managers passent d’une logique comptable (le statut des factures) à une logique de connaissance (les comportements des clients, l’environnement conjoncturel…), plus en phase avec la réalité économique.

 

Si les risques client ont été pendant longtemps gérés de manière réactive, voire ont été négligés, les ruptures majeures (technologiques, réglementaires, informationnelles, conjoncturelles) imposent désormais une approche beaucoup plus structurée et une anticipation de la part des credit managers. Cela impose une nécessaire transformation de leur métier, sur la base de 4 principes d’actions : maîtriser les données, intégrer la conformité réglementaire, optimiser les processus et s’adapter aux turbulences économiques.

 

[1] « Credit manager, maillon fort de l’entreprise », Les Échos, 28 août 2008. lesechos.fr/2008/08/credit-manager-maillon-fort-de-lentreprise-496372

[2] Cf. Management VUCA, manager dans le nouveau normal, Éditions Gereso, 2022.

[3] Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32011L0007

[4] « Créer de la valeur en optimisant la relation financière clients », AFDCC. www.afdcc.fr/qui-sommes-nous/les-metiers-du-credit-management/

[5] Enquête AFDCC 2022 sur les comportements de paiements, AFDCC, 2023. www.afdcc.fr/enquete-afdcc-2022-sur-les-comportements-de-paiements/

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